La sœur est la mère de ses frères

La sœur est la mère de ses frères

Hier soir, je regardais très distraitement l’épisode de « Faites entrer l’accusé » sur Chantal Ternik, quand un avocat a retenu mon attention avec cet énoncé :

La fille ainée [de Chantal] était devenue un peu la mère de ses deux frères.

Je trouve vraiment magique qu’un cerveau humain inattentif soit capable à la fois de comprendre instantanément, sans effort et sans erreurs une phrase aussi complexe tout en ayant vaguement conscience des pièges qu’il a machinalement évités.

Dans « la fille ainée de Chantal », on comprend que Chantal est la mère de X et que X est une femme. Par défaut, on considère que la relation « mère de » fait référence à un grand nombre de sous-relations : hérédité génétique, rapports légaux (droits et devoirs), liens affectifs, éducatifs, etc.

Jusqu’ici, tout va bien.

La suite est plus déroutante car, au regard de la loi de la plupart des pays, comme au regard de l’évolution des espèces, on ne peut pas être « un peu » le parent de quelqu’un. Il y a bien une alternative, mais elle est binaire : on est parent ou on ne l’est pas. Enfin, il ne nous paraît pas possible qu’une personne puisse « devenir » la mère biologique d’enfants déjà nés, qui plus est d’une autre mère et qui se révèle, par-dessus le marché, être la sienne. Nos arbres généalogiques imploseraient dans cette stupéfiante mise en abîme.

Notre cerveau doit donc trouver très rapidement une issue à cette crise : il en déduit que la première référence à la maternité est biologique ou légale, mais que la deuxième évocation ne fait cette fois référence qu’aux seules éducatives, affectives et de protection. Et là, les pièces du puzzle s’agencent parfaitement : la fille ainée de Chantal est donc ce qu’on appelle une « mère de substitution » pour ses deux frères.

C’est magique.

Le revers de la médaille, c’est que si notre cerveau est si bien entraîné à faire ce genre de calculs, c’est parce qu’il discute en permanence avec d’autres cerveaux dotés des mêmes superpouvoirs. Donc, la plupart du temps, nous n’avons pas besoin d’être très précis et explicite pour nous faire comprendre de nos semblables. De nos semblables. Pas des machines que nous avons conçu.

En effet, si nous avons réussi à doter nos ordinateurs de superpouvoirs que nous ne possédions pas, nous peinons encore leur transmettre ceux que nous possédons.

C’est pourquoi tout au long de vos études en informatique, vous devrez déployer beaucoup d’attention, d’entraînement et de patience pour vous faire comprendre de vos machines. Bon courage et bonne rentrée 2023-2024 à toutes et tous !

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