
Faux négatif, faux positif et effet Dunning-Kruger
Au risque de contrarier les « futurologues » qui vous conseillent de ne plus faire d’études, parce qu’il faut vivre avec son temps et avec les chatbots proposés par les giga-entreprises de l’IA générative, je pense au contraire qu’il est plus que jamais nécessaire de permettre à une plus grande proportion de la population de poursuivre des études plus longues. C’est même précisément à quoi devraient servir les gains de productivité rendus possible par des IA conçues pour servir l’humanité et non pour l’asservir.
Pourquoi avons nous plus que jamais besoin d’experts humains ?
Utiliser une intelligence artificielle comme conseiller ou comme prof est le pire usage qui soit : l’effet Dunning-Kruger, bien connu des psychologues, explique que moins on connaît un sujet, plus on a tendance à se croire compétent. Et les chatbots amplifient ce travers : leurs phrases bien tournées donnent confiance, même quand elles racontent des absurdités. Il est tellement fréquent de confondre fluidité du discours et justesse du savoir.
Les chatbots ne se contentent pas de commettre des erreurs que l’on peut corriger soi-même ou demander à de véritables experts de corriger. Toute la connaissance humaine qu’ils ont ingurgité durant leur phase d’entraînement, aussi impressionnante soit-elle, n’est pas toute la connaissance humaine. Et il est faux de dire que le RAG ou l’utilisation d’agents répondent complètement à ce problème : on peut bien sûr inclure dans un prompt des connaissances qui n’étaient pas présentes dans le jeu de données d’entraînement, mais cela n’a aucun effet sur les paramètres du modèle, c’est-à-dire sur cette pâle imitation de notre système cognitif qui catégorise, généralise, spécifie et prédit.
Nous avons tous des angles morts dans notre connaissance et dans nos aptitudes. Mais ce n’est pas en soi un problème, car nous avons cette capacité de nous associer pour combler nos lacunes. Par contre, si nous déléguons nos capacités intellectuelles à une poignée de chatbots IA qui partagent tous les mêmes angles morts, l’accident devient inévitable.
L’avenir n’appartiendra pas à ceux qui croient tout savoir grâce à l’IA, mais à ceux qui savent encore apprendre, douter, penser par eux-mêmes et avec les autres.